Sahara Occidental : “Une occupation coloniale qui dure depuis 40 ans”Interview de l’association APSO
par Milena Rampoldi, ProMosaik e.V.
Un entretien très important avec François de l’association APSO, Amis du
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Peuple du Sahara Occidental, une association française qui a pour but de faire connaitre la tragédie de l’occupation marocaine du Sahara Occidental. L’association représente une source d’information essentielle sur ce pays tombé dans l’oubli. ProMosaik e.V. vient de parler avec François pour lui poser de questions sur l’association et ses activités, sur la situation du pays et sur les similarités avec la PALESTINE. Il faut lutter pacifiquement pour permettre la décolonisation du Sahara Occidental et son indépendance. Au nom de l’anti-impérialisme il faut s’opposer à cette occupation et à l’injustice. Et il faut aider les prisonniers politiques sahraouis.
Milena: ProMosaik voit la question du Sahara Occidental comme une question coloniale. Le peuple du Sahara Occidental a le droit de vivre en liberté et dans son identité culturelle. Que vous pensez de cela ?
Chaque année, l’ONU répète donc que les Sahraouis ont le droit à s’autodéterminer, et jamais le référendum d’autodétermination n’a encore eu lieu. Le blocage vient du Maroc qui, depuis la signature du cessez le feu en 1991 dont c’était la condition, ne tient pas l’engagement pris. Si l’ONU a pris en compte cette volonté de destin sahraoui, c’est que le peuple l’a manifesté, qu’il s’est organisé. En effet, les mouvements de résistance des Sahraouis – quelques soient leurs formes – contre les envahisseurs ont toujours existé, d’abord contre l’Espagne, puis contre les deux nouveaux occupants. Maroc et Mauritanie.
En 1973, les Sahraouis refondent un mouvement de résistance qu’ils appellent le front Polisario, Front pour la libération de Saguia el Hamra et Rio de Oro. En 1976, au lendemain de l’annonce officielle de son départ par l’Espagne, les Sahraouis proclament en exil leur République, la RASD.
Géographiquement, le territoire dont les frontières sont internationalement reconnues est actuellement et depuis la fin des années 80, coupé en deux par le mur évoqué plus haut. C’est un mur militaire marocain, technologiquement très équipé, un mur de défense de la partie dans laquelle le Maroc exploite et pille pour son compte les ressources naturelles du Sahara Occidental. Là encore le droit international ne laisse pas matière à interprétation.
En 2002, Hans Corel, conseiller juridique et secrétaire général adjoint de l’ONU a rendu un avis portant spécialement sur les ressources minérales du Sahara Occidental, leur exploration et exploitation, reprenant les règles du droit international. Sa conclusion était que pour utiliser les ressources naturelles du territoire sahraoui il fallait l’avis et l’autorisation du peuple et que cela soit pour son bénéfice. Cela vaut pour toutes les ressources du territoire. Cette partie occupée représente les ¾ du territoire à l’ouest, côté océan. La partie gérée par les Sahraouis est à l’est, côté désert.
Le territoire dans son ensemble est encore largement pollué des restes de la guerre, mines terrestres et autres engins explosifs, et donc très dangereux. Le mur est un vrai mur, qui sépare les familles sahraouies qui vivent sur leur terre, ou en territoire libéré et à proximité en exil en Algérie comme réfugiés. Concrètement donc les Sahraouis vivent actuellement dans les territoires libérés, en exil, ou dans les territoires occupés militairement par le Maroc, à l’ouest du mur.
De 160 à 200 000 Sahraouis vivent dans les campements de réfugiés, dans le désert salin et aride du sud ouest algérien, proche de la ville de Tindouf, en total dépendance de l’aide humanitaire internationale et dans des conditions extrêmes, 50° d’amplitude thermique, aucune végétation… En territoire occupé, les Sahraouis qui revendiquent leur nationalité le font au risque de leur liberté et parfois de leur vie. Les discriminations par la puissance coloniale sont quotidiennes dans tous les domaines, et les droits humains des Sahraouis bafoués dans tous leurs articles, nous en parlerons plus après dans ce texte.
Cette situation bloquée depuis 40 ans est possible parce que les puissances occidentales la tolèrent et ne font pas suffisamment prévaloir l’impératif du respect du droit international. La France notamment, tout en affirmant que le conflit doit se régler dans le cadre du plan de paix de l’ONU soutient tacitement le Maroc, même au pire de ses exactions, et sans aucune cohérence avec les valeurs nationales de notre pays des droits de l’homme.
Milena : Quel sont les objectifs principaux de votre organisation ?
Nous avons aussi réalisé et produit un film documentaire « L’autre côté du mur » (2011) grâce aux compétences d’un de nos membre, Denis Véricel. Ce film documentaire est un support que nous utilisons pour nos conférences, et qui peut aussi s’acquérir en DVD pour des projections privées de ceux que ça intéresse. Et nous avons publié cette année un ouvrage collectif rassemblant des textes que des spécialistes et témoins directs ont écrit à notre demande, c’est « Lutter au Sahara ». C’est aussi Denis qui a coordonné cet énorme travail. Nous y consacrons une partie de cet article plus loin.
La solidarité directe avec les Sahraouis est multiforme, et tient compte de ce que nous avons des compétences mais très peu de moyens financiers. Nous partageons donc avec les Sahraouis connaissances et expériences, avec ceux qui sont en exil en France, dans les campements de réfugiés, où nous soutenons plus particulièrement les démarches en direction de la jeunesse, ou en territoire occupé où nous soutenons les média locaux sahraouis. Nos thématiques d’intervention sont le sport, les arts, les sciences, la culture, les ressources naturelles, l’information et les problématiques jeunesses, la question en général…
Milena : Parlez à nos lecteurs de votre publication « Lutter au Sahara, du colonialisme vers l’indépendance au Sahara Occidental ».
Les chapitres et thématiques sont : Géopolitique du conflit, Le Maroc face au Sahara Occidental, Le Droit – Les ressources naturelles, Regards anthropologiques Les titres des textes : Murs, Fragments du Sahara Occidental, La saga du Sahara Occidental continue aux Nations Unies : Un point de vue de l’intérieur, Le rôle de la France, La lutte au Sahara Occidental : dépasser son invisibilité aux États-Unis, Les Colons marocains au Sahara Occidental : Colonisateurs ou cinquième colonne? , Le rôle de la monarchie dans la fabrique de l’opinion publique marocaine, Sur le conflit du Sahara Occidental et les Droits de l’Homme dans la région, Palestine et Sahara Occidental : Analyse comparative des deux conflits et du droit applicable, L’appropriation du Sahara : Le rôle des ressources naturelles dans l’occupation du Sahara Occidental, Le poisson passe avant la paix, Comment sont organisées les élections dans les camps de réfugiés sahraouis?, Identité sahraouie et intégration des minorités : Point de vue des étudiants sahraouis vivant au Maroc, Résister par la culture, résister pour sa culture. La poésie sahraouie face aux politiques d’occupation du Maroc au Sahara Occidental, Notre jeunesse sahraouie.
Après avoir lu l’introduction et le très beau texte d’Eduardo Galeano qui le suit, il est possible de lire le livre dans l’ordre que l’on veut, selon ses intérêts premiers.
Les droits humains violés au Sahara Occidental, que nous avons évoqués ci-dessus, le sont aussi en Palestine. Dans notre ouvrage « Lutter au Sahara, du colonialisme vers l’indépendance au Sahara Occidental », Juan Soroeta propose une analyse comparative des deux conflits et du droit applicable. Cela peut permettre d’approfondir pour ceux qui le souhaitent.
Au niveau populaire, et pour ce que nous avons pu contraster, les Sahraouis rencontrés dans les campements ou en territoire occupé du Sahara Occidental sont très au fait de l’actualité de la Palestine, attentifs, inquiets et solidaires. Nous ne savons pas si la réciproque existe. Les échanges dont nous avons connaissance ont lieu en diaspora. La très belle rencontre entre le réalisateur palestinien devenu anglais, Saeed Tajy Farouki, et l’athlète sahraoui Salah Amaidan, a donné le poignant film « The Runner », Regard d’un Palestinien sur un Sahraoui… En France les nombreux militants de la cause palestinienne sont à l’écoute de ce nous expliquons du problème sahraoui similaire, mais ils ont beaucoup à faire. Peut-être serait-il intéressant de faire plus d’actions – sensibilisations communes, comme une action pour la journée des prisonniers politiques où l’attention avait été attirée conjointement sur Kurdes, Palestiniens et Sahraouis.
Milena : Quelles sont les violations des droits humains les plus importantes en Sahara Occidental ?
Certains Sahraouis reçoivent une allocation de survie accordée par le Maroc pour le prix de leur docilité, et à cette condition, leur indignité. La discrimination quotidienne, violence psychologique, côtoie la violence physique sur les Sahraouis. La violence, la torture et l’assassinat, les arrestations et incarcérations arbitraires, les procès truqués, et aveux extorqués sous la torture sont des pratiques courantes. L’iniquité de la justice marocaine garantit de fait l’impunité aux Marocains, policiers, militaires ou civils qui agressent des Sahraouis.
Milena : Parlez-nous de la souffrance des prisonniers politiques
Saleh avait fait parvenir un message à son cousin lui aussi incarcéré pour ses actes politiques et sorti avant lui, ce sont quelques mots presque poétiques qui sont lisibles ici :
Lire aussi :
http://promosaik.blogspot.com.tr/2015/08/les-jeunes-doivent-prendre-le-relais.html
http://promosaik.blogspot.com.tr/2015/08/the-singer-aziza-brahim-from-west.html
http://promosaik.blogspot.com.tr/2015/09/apso-pour-les-droits-du-peuple-du.html